préface
SYBILLE NUE, ou les aventures ordinaires d'une modèle et de son photographe
éditions (ta) tous azimuts
ISBN 978-1-105-83628-2
ISBN 978-1-105-83628-2
Sybille est multiple.
Une nymphe, un symbole, un mythe.
Une hydre qui se métamorphose au fil de cette lecture, passant de la jeune et innocente ingénue, qui ose sans doute pour la première fois se dévêtir devant l’objectif, comme pour s’affranchir d’une pudeur enfantine, brisant un interdit avec la ferveur d’une adolescente assujettie... À une femme mûre, qui se reconstruit face à ce que le temps, la maladie ou l’Autre ont fait d’elle, pour renaître et s’aimer à nouveau...
Sybille, tombant non sans une pointe de gêne parfois, le peignoir comme un acte de bravoure et de victoire, créant d’un geste et d’un regard, un pacte immuable de confiance entre l’Opérator et elle, le Spectrum.
Spectrum ? Ce mot a été finement choisi par Barthes, pour souligner le rapport qu’entretient la photographie avec le spectacle...
Spectrum, en latin, signifie surtout « regarder ». Quel meilleur terme pour une Sybille s’accomplissant, à travers le regard du photographe, d’un objectif personnel si puissant ?
Brisant un tabou, changeant son regard sur elle-même, réalisant un fantasme, dépassant ses limites et se prouvant à elle-même qu’elle a le pouvoir sur son corps, son image et de ce qu’elle souhaite en faire.
Face à Sybille, le photographe n’a finalement que peu de pouvoir, emporté par le flot d’émotions, de gestes, de volonté qu’elle offre dans cet espace-temps délimité, qu’il tente d’immortaliser - à la volée parfois - saisissant une expression, un regard qui fera tout.
Sybille lui laisse croire qu’il décide. Après tout… C’est lui qui règle la lumière, propose un style, dirige le modèle parfois, choisi à quel moment déclencher. Mais, quand on y réfléchi… Le résultat ne tient que par ce que Sybille accepte de lui offrir, lui montrer, lui donner. Et ce jeu de défiance, du chat courant après une souris qui se laisse attraper, défini sans doute une certaine forme de réalité dans la construction de la relation de confiance que Sybille fait avec la photographe.
Spectrum aussi, pour Spectre.
Sybille, saisie sur papier glacé, est à peine reconnaissable.
Le photographe en a fait une de ces spécialités.
En quelques longues secondes, il laisse Sybille jouer avec l’objectif. Un mouvement, un geste doux, un pas de danse...
Et la voilà dédoublée, transparente et floue, fragile comme enveloppée d’une aura de lumière bienveillante.
Pourtant, il suffira d’un regard effrayé, d’une expression béante et d’un fond noir, pour que Sybille, hydre antique et ivre de métamorphose, devienne soudain ce spectre fantomatique et glaçant, surprenant - non sans un malin plaisir - les spectateurs, face à son image. Encore une fois, Sybille s’en amuse. Elle prend le pouvoir sur l’image qu’elle renvoie, sur ce que le spectateur croira.
Alors, finalement... Qui est-elle ?
Sybille est une femme plurielle. Elle se prête au jeu du photographe, tout en gardant le contrôle. Elle se prête aussi au jeu du spectateur, tout en sachant que ce qu’elle montre est déjà déterminée par sa volonté et ses choix.
Sybille prend le pouvoir sur son image, sur son corps, sur le contexte de quand, comment et pourquoi.
À travers ces pages, analyse fine d’un photographe dévoué à son art et à Sybille, vous découvrirez les chemins qu’elle a choisi de construire ou d’emprunter. Vous marcherez dans ses pas, ressentirez sa pudeur, sa bravoure, ses prises de décisions.
Et à l’avenir, quand vous vous retrouverez face à un tirage de Sybille, impuissant face à un nu saisissant ou un regard transperçant...
Rappelez-vous que vous n’êtes que le témoin d’un spectacle qui s’est joué bien à l’avance, sans doute même…
Bien avant que Sybille soit immortalisée ainsi.
Mélanie Malfoy, modèle et photographe